Imaginez
un robot mobile capable de venir au Salon national de la recherche
universitaire pour agir en tant que bénévole. À
cette occasion, ce robot devra
être en mesure de bien organiser sa journée afin de
répondre aux besoins des
finalistes et du personnel organisateur. Par exemple, il pourrait
apporter aux
étudiants le matériel nécessaire pour fixer leurs
affiches, coordonner la
distribution des repas, distribuer les fiches d’évaluation aux
membres du jury
et compiler les résultats après les avoir
récupérées, et enfin, préparer le discours
final annonçant les gagnants. Dans la foule, il devra se
déplacer prudemment et
manipuler son bras-robot avec soin. Bien que cela semble être de
la fiction, en
combinant nos deux projets de recherche complémentaires, dans le
domaine de
l’intelligence artificielle, nous pourrions mettre au point un tel
robot.
La
première partie de notre projet de recherche consiste à
l’élaboration d’une
composante essentielle d’un tel robot, soit un module de planification
de
tâches lui permettant de prendre lui-même ses propres
décisions. En raisonnant
à partir d’un modèle de l’environnement et des actions
primitives du robot, le
module de planification (ou planificateur de tâches)
génère les plans
nécessaires au contrôle de haut niveau du robot. Cela
ressemble un peu à la
façon dont les ordinateurs jouent aux échecs. En simulant
un grand nombre de
coups possibles, un programme de jeu d’échecs essaie de trouver
la meilleure
séquence de jeu possible afin de maximiser ses chances de
gagner. Dans le cas
d’un planificateur de tâches pour un robot, au lieu de combiner
des
déplacements de pièces de jeu, on combine les actions
primitives du robot pour
trouver un plan qui satisfait aux buts donnés. Pour y arriver,
un algorithme de
planification se sert d’un modèle des actions primitives. Les
actions sont
représentées symboliquement par des ensembles de
préconditions et d’effets.
Actuellement,
les planificateurs existants sont mal adaptés à la
robotique mobile. Puisqu’un
robot évolue dans un environnement incertain et dynamique, il
est très
difficile et pratiquement impossible de prévoir tous les cas
d’avance parce
que, tout comme pour les jeux d’échecs, l’espace des
possibilités est immense. La
première partie de notre projet de recherche vise donc à
développer de nouveaux
algorithmes plus efficaces afin de mieux répondre aux
contraintes des robots
réels. Nous développons un planificateur de tâches
réactif qui pourra
continuellement générer ou corriger ses plans. Ce
planificateur pourra gérer
des contraintes de temps et de ressources (comme les batteries) et
tenir compte
de l’incertitude dans l’environnement, comme le temps nécessaire
pour se
déplacer d’un endroit à l’autre qui varie en fonction de
l’achalandage du
chemin emprunté.
La deuxième partie
de notre projet consiste à élaborer un planificateur de
trajectoires pour
coordonner l’exécution des déplacements d’un robot et des
mouvements d’un
bras-robot. Ce planificateur de trajectoires fonctionne en
complémentarité avec
le planificateur de tâches. Lorsque le planificateur de
tâches génère une
action de déplacement d’un endroit A à l’endroit B, le
planificateur de
trajectoire trouve un chemin idéal pour emmener le robot de
l’endroit A à
l’endroit B, et cela, tout en évitant les collisions avec les
obstacles. De
façon similaire, il peut aussi calculer les séquences de
mouvements nécessaires
pour qu’un bras-robot puisse saisir et déposer des objets. Ce projet a été initialement lancé pour
le
développement d’un simulateur intelligent du bras-robot canadien
(Canadarm II)
sur la Station spatiale internationale. Afin d’être
intégré à notre robot, le
planificateur de trajectoire doit posséder trois
caractéristiques fondamentales.
Premièrement, il doit pouvoir traiter des environnements
très complexes,
c’est-à-dire beaucoup d’obstacles, plusieurs degrés de
liberté (points de
contrôle). Il doit aussi prendre en charge l’aspect dynamique de
l’environnement,
soit dynamique, c’est-à-dire que des obstacles peuvent bouger et
s’ajouter. Enfin,
il doit aussi être capable de fonctionner en temps réel,
c’est-à-dire qu’il
doit trouver rapidement un chemin solution et l’améliorer
lorsqu’il bénéficie
de plus de temps. Une telle structure de planificateur de trajectoires
pour les
robots en environnement complexe constitue une innovation très
importante dans
le monde de la robotique et de la planification en
général.
Nos
projets de recherche en planification de tâches et de
trajectoires ont un
immense potentiel de retombées possibles et vont beaucoup plus
loin qu’un
simple robot bénévole. Déjà
nos recherches ont mené
à plusieurs publications dans des conférences
scientifiques très réputées en
intelligence artificielle. Dans les prochaines années,
avec le
vieillissement de la population dans les pays industrialisés,
nous aurons
besoin de robots de plus en plus autonomes afin d’aider les humains. En
santé
par exemple, on pourrait déléguer aux robots des
tâches comme le transport du
matériel médical, la distribution du courrier, la
collecte d’échantillons aux
chambres, et la préparation de salles d’opération. Des
bras robots pourraient
aussi être utilisés pour effectuer des chirurgies de
grande précision que le
personnel humain aurait de la difficulté à effectuer.
Tout cela permettra au
personnel médical d’être plus disponible aux patients afin
de leur donner plus
d’attention. On peut aussi penser à l’envoi de robots
explorateurs sur la
planète Mars. Actuellement, l’autonomie de ces robots se limite
généralement
aux opérations de déplacement. Comme suite à nos
recherches, on sera
éventuellement en mesure de donner des missions plus complexes
à ces robots
puisqu’ils auront une meilleure capacité de raisonner par
eux-mêmes et de
planifier leurs activités sans qu’un centre de contrôle
sur Terre ait à
intervenir continuellement. D’autres robots effectueront des
tâches dangereuses
comme procéder au déminage dans d’anciens lieux de
guerre. Des robots pourront
aussi faire de surveillance dans des régions vastes et
éloignées, comme pour les
installations hydro-électriques dans le Nord du Québec.
© Éric Beaudry, 2006. Tous droits réservés.